La Russie : Moscou, Saint Pétersbourg et Irkoutsk

Nous avons traversé la frontière russe : notre premier vrai passage de frontière avec les formalités d’usage qui ont été facilitées depuis la mise en service de la ligne de train rapide. Nous n’avons donc pas du tout galéré, ni attendu, les contrôles étant effectués à bord du train en marche de part et d’autre de la frontière. Ce fut plutôt une bonne surprise compte-tenu de notre a priori vis-à-vis de l’administration et des services russes. Mais après avoir traversé le pays, nous avons ravalé notre enthousiasme : la rigidité du système russe n’est pas un mythe et la communication, lorsque l’on n’est pas russophone, est véritablement complexe.

Il est 18 heures passées, nous sommes toujours à bord du train chinois qui nous mène à Oulan-Bator. On vient de s’arrêter à Naouchki, ville frontière avec la Mongolie. Les contrôles d’usage commencent. Les douaniers passent dans les compartiments. Ils n’ont pas l’air de plaisanter. Nous leur remettons nos passeports et comprenons que l’attente risque d’être longue. Le chef de bord nous indique que nous pouvons descendre du wagon. Une attente interminable. Les minutes deviennent des heures, il est bientôt 22 heures. Nous n’avons toujours pas récupéré nos passeports. Des policiers montent à bord pour effectuer une fouille des compartiments. Ils sont accompagnés de chiens. Les grands moyens. Nous aurions presque l’impression d’avoir quelque chose à nous reprocher. On trouve ça un peu poussif, et il nous tarde d’en voir la fin mais nous ne râlons pas, et nous plions à ce que les officiers nous demandent. Nous voulons sortir de Russie sans esbroufe ; jusque-là tout s’est plutôt bien passé. 22H30 : on nous rend enfin nos passeports, le train repart et nous pensons à ce qui nous attend du côté mongole : de nouvelles formalités douanières…

Les russes ne sont pas des gens souriants. C’est dans leur culture nous a-t-on expliqué. Selon eux d’ailleurs, les français comme d’autres européens sourient trop souvent et de manière inutile. Disons que lorsque les russes sourient, ils ne le font pas pour rien. Au début, nous étions un peu perplexes, nos normes de politesse françaises étant bien différentes des normes russes. Mais après quelques jours passés en Russie, nous ne nous offusquions plus des mines glaciales que nous opposaient les locaux. Visiblement la réserve semblait de rigueur. Et puis cette distance et cette froideur qui leur donnent cet air un peu bourru avec lequel nous construisons nos clichés, se limitent souvent à un premier contact. Lorsque l’on pousse un peu plus loin la relation, les choses deviennent rapidement très différentes. Il faut dire que le couchsurfing nous a bien aidés sur ce point.

Saint-Pétersbourg

Nous avons fait la connaissance de Denis et Lena à Saint-Pétersbourg, couple adorable vivant en proche banlieue. Nous avons partagé avec eux l’unique pièce de leur appartement pendant quelques jours. La proximité aidant, nos échanges ont été très intéressants et nous ont permis de comprendre un peu mieux la culture et la société russes. Outre leur hospitalité et leur gentillesse, Denis nous a aidés à réserver des billets de transsibérien en nous accompagnant à la gare sur son temps de travail. Même avec lui cette opération nous a demandé au moins deux heures de patience alors que seulement cinq personnes nous précédaient dans la file d’attente. Je n’ose pas imaginer l’expérience sans lui, ne serait-ce que pour trouver le bon guichet dans une de ces immenses gares moscovites. Et puis avec son aide nous avons pu avoir nos précieuses places en plastkarny (3ème classe) à seulement une semaine de la date de départ.

Nous avons beaucoup aimé Saint-Pétersbourg. Nous avons arpenté la perspective Nevsky en long en large et en travers, lieu privilégié pour observer avec amusement la jeunesse pétersbourgeoise parader. La beauté et la coquetterie des femmes russes n’est pas un mythe, et elles profitent d’être au cœur de la ville pour venir le montrer. Nevsky fait près de 3 kilomètres de long alors nous n’avons pas hésité à emprunter le métro pour nous déplacer. Enfin si, moi j’ai hésité car le métro est un peu spécial de par sa profondeur qui est en moyenne de 60 mètres et peut atteindre 90 mètres. Cette caractéristique s’explique par la nature marécageuse des sols. Lorsque l’on emprunte l’escalator, la durée moyenne pour descendre dans une station ou pour retrouver la surface est de 3 minutes. On n’en voit pas la fin. C’est un peu flippant.

Au bout de Nevsky, proche de la Neva, nous avons visité le célèbre musée de l’Ermitage où nous avons passé presque une journée entière. Outre les collections, l’édifice à lui seul vaut le coup d’œil. Sur l’autre rive de la Neva, à côté de la forteresse Pierre et Paul, nous nous sommes étonnés de voir quantité de baigneurs courageux se tremper dans les eaux troubles du fleuve à quelques mètres seulement des bateaux de croisière remplis de touristes. Un spectacle plutôt amusant avec en toile de fond les couples de jeunes mariés venus faire leur séance photos au milieu des badauds. Nous gardons un bon souvenir de Saint-Pet’ où nous avons à la fois beaucoup marché, eu nos premiers contacts avec la population russes et dégusté nos premiers blinis et pelmeni (raviolis).

Moscou

Après une nuit de train, nous avons rejoint Moscou. Arrivés au petit matin, nous avons goûté à une ville que peu de touristes connaissent. La population aux abords des gares à 5 heures du mat’ est la même qu’en France, l’odeur de vodka en plus. Un spectacle un peu triste que nous avons essayé d’éviter en mettant nos sacs à la consigne et en partant nous balader au cœur de la ville. Rapidement arrêtés par un violent orage, nous avons regagné, penauds, des places assises de la gare pour patienter quelques heures, le temps de pouvoir nous présenter chez notre nouvel hôte couchsurfing, Alex Davidov. Après plusieurs micro-sommeils, et quelques stations de métro plus loin, nous avons débarqué chez lui vers 15 heures, tombant de fatigue. Heureusement il ne fut pas nécessaire de nourrir une grande conversation et après quelques phrases de politesses d’usage, nous nous sommes écroulés sur un canapé totalement inconfortable.

Alex Davidov était chirurgien, enfin plus maintenant puisque lorsque nous l’avons rencontré, il exerçait en tant que visiteur médical pour un laboratoire pharmaceutique. Il nous a expliqué que la profession de chirurgien en Russie était très mal rémunérée et que de fait, pour gagner un salaire plus conséquent, il avait arrêté d’exercer. Drôle d’histoire, d’autant que le personnage ne nous paraissait pas très finaud, même s’il fut très gentil au demeurant. Un faux chirurgien, un mythomane, un trentenaire se faisant mousser : des suppositions loufoques pour alimenter nos scénarios. Qui était vraiment ce Davidov ? Cet homme dont le train de vie ne pouvait laisser supposer un passé à la Jack Shepard ? Le couchsurfing réserve parfois quelques surprises et la fatigue que nous avions accumulée jusque-là ne nous aida pas. Notre imagination démarrait au quart de tour, transformant une réorientation sociale parfaitement plausible en une histoire saugrenue et ô combien amusante. Mais après être tombé sur le C.V dudit imposteur, nous avons ravisé notre bouffonnerie. Davidov semblait bien être ce qu’il prétendait : un ex-jeune chirurgien recruté par un laboratoire pharmaceutique.

Moscou ne nous plut pas autant que St-Pet, peut-être aussi parce que la compagnie de notre hôte ne fut pas autant intéressante que celle de Denis et Lena. Il faut dire qu’Alex recevait depuis plus d’un an un à deux couchsurfeurs par semaine. Habitués par la présence d’intrus à son domicile, il vivait sa vie sans prêter réelle attention à celle de ses invités, ce que nous comprenions tout à fait. C’est une situation à la fois confortable mais aussi déroutante : difficile de se sentir à l’hôtel alors qu’on n’est pas à l’hôtel. A Moscou, nous avons joué les touristes type : visite de la Place Rouge, du Kremlin, de quelques stations de métro et repas dans un mou-mou (cafétéria populaire) entre autres choses.

Nous avons quitté la ville pour monter à bord du transsibérien : un voyage de 80 heures pour rejoindre Irkoutsk près du lac Baïkal. Cette expérience ne fut pas déplaisante même si au bout de trois jours il nous tardait de débarquer en Sibérie. Nous avons voyagé en 3ème classe, c’est-à-dire dans un wagon de 54 couchettes non compartimentées. Nous dormions en hauteur, ce qui n’est pas très confortable car on ne peut que s’y allonger. Pour s’assoir et notamment manger un petit bout, il faut demander l’hospitalité chez ses voisins du dessous, ce qui n’est pas toujours évident surtout lorsqu’on ne parle pas le russe. Nous étions les seuls étrangers du wagon et suscitions quelques curiosités, mais rien de très insistant. Nos voisins étaient assez calmes : une mère et son fils juste en-dessous, et quelques familles sur les côtés. Plus loin, il y avait un groupe d’hommes avec des têtes de repris de justice : grosses balafres en travers du visage, haleine plutôt chargée et bouteilles à la main. Ils n’étaient pas méchants mais nous étions plutôt contents de ne pas partager de trop près leur intimité. Pour tuer le temps, nous avons bouquiné, dormi, et mangé des nouilles déshydratées à tous nos repas quasiment. Parfois nous avons varié nos plaisirs en achetant quelques beignets de pommes de terre ou de viande à des marchands ambulants des grandes gares.

Notre voyage a été relativement calme. Nous n’avons pas assisté à de grandes beuveries collectives, ni tenté de discuter jusqu’au bout de la nuit en partageant des mets russes avec nos voisins de chambrée.

Irkoutsk

L’arrivée à Irkoutsk nous réserva cependant une mauvaise surprise. Sur les billets de transsibérien, l’heure indiquée de départ et d’arrivée est toujours celle de Moscou. Nous étions au courant de cette information, mais par précaution nous avions demandé confirmation auprès d’Alex Davidov. Celui-ci nous avait assuré que l’heure d’arrivée était celle d’Irkoutsk. Un peu dubitatifs, nous lui avions fait cependant confiance pour réserver notre hôtel. Malheureusement, nous sommes arrivés 5 heures plus tard que prévu, soit à deux heures du matin. Il devait faire à peu près 8°C. Nous avons attendu, gelés, que le jour se lève pour trouver un nouvel hôtel, notre réservation étant désormais perdue. La loi des séries : nos arrivées dans les gares russes se sont toutes terminées sur des bancs inconfortables au milieu de voyageurs désœuvrés et de spectateurs aux mines patibulaires.

Nous ne connaîtrons de la Sibérie qu’Irkoutsk, où nous avons fait nos demandes de visas mongoles, et Listvianka, petite bourgade situé au bord du lac Baïkal. Cette dernière ne vaut pas vraiment le déplacement, mais nous y avons passé 3 jours histoire de nous reposer avant notre départ pour la Mongolie. Pas grand-chose à faire à Listvianka, si ce n’est profiter de son petit marché pour manger de l’Omoul, sorte de truite locale que l’on déguste fumée ou grillée : c’est très bon. Nous n’avons pas fait trempette dans le lac contrairement à certains touristes russes courageux, ni vu les célèbres nerpas (phoques d’eau douce du Baïkal). Rien d’exceptionnel en somme, mais il faut dire que le climat peu engageant du coin nous a plutôt poussé à nous retrancher sous nos couvertures.

Nous quittons Irkoutsk et faisions route vers le sud et les paysages du Gobi.

Nous faisons route vers la Mongolie. Nous sommes à bord d’un train chinois qui rallie Moscou à Pékin. Dans le wagon il n’y a pas foule. Dehors le paysage dessine une plaine vide s’étendant à perte de vue. Nous avons bel et bien quitté la Taïga. Tout est calme.

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